Huysman

Publié le par Eric Balay

A REBOURS

écrit par Joris-Karl Huysman et publié en 1844

BIOGRAPHIE :

JORIS-KARL HUYMANS (Paris 1848 - id. 1907), mort à 59 ans, romancier Français, issu d'une famille d'origine flamande qui compta plusieurs artistes, fit éditer en 1874, à compte d'auteur, un recueil de poèmes en prose, le Drageoir aux épices. Il se joignit au groupe naturaliste et donna aux Soirées de Médan en 1880, le texte d'une nouvelle, Sac au dos. En 1879, il publia Les sœurs Vatard. Avec A rebours écrit en 1884 et Là-bas écrit en 1891, Huysmans s'éloigna des naturalistes et se rapprocha des décadents. En 1891, il rencontra l'abbé Mugnier, et, bientôt, se convertit au catholicisme. Le roman En route écrit en 1895, raconte ce profond changement. On lui doit encore La Cathédrale écrit en 1898, Les Foules de Lourdes en 1906.

PROLOGUE :

Huysmann disait à propos de son roman : "C'est un ouvrage inconscient, imaginé sans idées préconçues, sans intentions réservées d'avenir, sans rien du tout."


Flaubert, les frères Goncourt, Gustave Moreau, Barbey d'Aurevilly furent ses amis et... les compagnons d'art de son héros, des Esseintes.

En publiant ce roman, Huysmans déclara que son roman serait "le four le plus drôle de l'année". Il n'eut qu'en partie raison : si Léon Bloy l'éreinte, Barbey d'Aurevilly en fait l'éloge.

RÉSUMÉ DE L'OEUVRE :

Dans ce roman, Huysmans donne naissance à un personnage hors du commun-dés Esseintes- qu'opprimé un "immense ennui" : méprisant fermement une humanité "composée de sacripants et d'imbéciles", ce "grêle jeune homme de trente ans, anémique et nerveux", quitte brusquement Paris pour s'isoler à Fontenay aux Rosés et donner libre cours à ses "amours exceptionnelles et ses joies déviées". A peine installé, il se livre en effet à une orgie de sensations diverses, destinées à "substituer le rêve de la réalité à la réalité elle-même", à s'entourer d'artifices pour oublier la nature, vulgaire par essence : des Esseintes achètent des meubles exceptionnels aux coloris variés, des pierres précieuses. Il lit les auteurs latins de la décadence, étudie les peintres érotiques, s'entoure de tissus rares et de parfums inconnus, se procure des plantes exotiques et parcoure les écrivains contemporains dans les éditions de luxe. Mais cette existence d'ermite de fatigue et de désespoir, des Esseintes se voit contraint de regagner Paris, le "vieux monde" et ses "vagues de médiocrité humaine".

COMMENTAIRE DE L'OEUVRE :

En faisant aller son personnage "à rebours" de la nature, Huysmans, disciple de Zola et fervent participant des "soirées de Médan", rejette lenaturalisme en vogue à son époque pour écrire un roman de la démesure humaine : "La nature a fait son temps", écrit-il. Cette démesure constitue une volonté délibérée et enivrante de refuser l'ordre; elle est un luxe de spiritualité et de sensualité, voire de satanisme. A rebours reste à ce titre très proche des tentatives littéraires menées par Flaubert dans Salammbô et par Barrès dans Le culte du moi : la perversion diffuse comme le refus de la société masquent mal l'ennui du siècle finissant et le désarroi de la génération à laquelle Huysmans appartenait. Ce dernier est toutefois parvenu à surmonter son désespoir grâce à la religion. La conversion, dans les dernières lignes d'A rebours, semble en effet imminente :"Seigneur, prenez pitié du chrétien qui doute..."

EXTRAITS DE L'OEUVRE :

En quête d'artifices, des Esseintes achète des essences rares dont il interprète l'irréelle beauté dans un sens métaphysique

Ces plantes sont tout de même stupéfiantes, se dit-il; puis il recula et en couvrit d'un coup d'œil l'amas : son but était atteint; aucune ne semblait réelle; l'étoffe, le papier, la porcelaine, le métal paraissaient avoir été prêtés par l'homme à la nature pour lui permettre de créer ses monstres.

Au chapitre XII, le narrateur dit son horreur de l'existence, son extrême pessimisme hérité de Schopenhaeur

En effet, c'était de la gourme, des coliques et des fièvres, des rougeoles et des gifles dès le premier âge; des coups de botte et des travaux abêtissants, vers les treize ans; des duperies de femmes, des maladies et des cocuages dès l'âge d'hommes; c'était aussi, vers le déclin, des infirmités et des agonies, dans un dépôt de mendicité ou dans un hospice.

Le dernier chapitre du roman est tragique : des Esseintes se voit contraint de s'intégrer à une société qu'il ne peut s'empêcher de haïr

Eh ! croule donc, société ! meurs donc, vieux monde ! s'écria des Esseintes, indigné par l'ignominie du spectacle qu'il évoquait; ce cri rompit le cauchemar qui l'opprimait. Ah ! fit-il, dire que tout cela n'est pas un rêve ! dire que je vais rentrer dans la turpide et servile cohue du siècle ! Il appelait à l'aide pour se dératiser les consolantes maximes de Schopenhauer; il se répétait le douloureux axiome de Pascal :"L'âme ne voit rien qui ne l'afflige quand elle y pense", mais les mots résonnaient, dans son esprit, comme des sons privés de sens; son ennui les désagrégeait, leur ôtait toute signification, toute vertu sédative, toute vigueur effective et douce. (...)

Un accès de rage balayait, ainsi qu'un ouragan, ses essais de résignation, ses tentatives d'indifférence. Il ne pouvait se le dissimuler, il n'y avait rien, plus rien, tout était par terre...

Publié dans litterature.rebelle

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