Leconte de Lisle

Publié le par Eric Balay

POEMES ANTIQUES

écrit par Charles-Marie-René Leconte de Lisle publié en 1852


BIOGRAPHIE :

LECONTE DE LISLE (Saint Paul de la Réunion 1818 -Louveciennes 1894), mort à 76 ans, s'installe à Paris en 1846, où il est conquis par les doctrines de Fourier, mais, après son échec aux élections de 1848, il se consacre à la poésie. Son premier recueil intitulé Poèmes antiques publié en 1852, manifeste une esthétique anti-romantique fondée sur l'admiration de la littérature grecque, dont l'auteur traduit les principaux chefs-d'oeuvres. Le groupe, à partir de 1860, quelques disciples, qu'il reçoit le samedi dans son salon du Boulevard Saint-Michel. Ce sont L.Ménard, C.Mendès, Sully Prudhomme, François Coppée, José Maria de Heredia, Paul Verlaine, Villiers de l'Isle-Adam, Mallarmé, auxquels se joignent plus tard Pierre Bourget, Anatole France et Maurice Barrés. Il publie en 1862 le recueil des Poèmes barbares, puis adopte l'idée d'une œuvre collective intitulée Le Parnasse contemporain, où ses poèmes se trouvent réunis à ceux de ses disciples, il fait représenter, en 1873, Les Erinnyes, adaptation d'une tragédie d'Eschyle, puis donne son troisième recueil, Les poèmes tragiques, en 1884. Après sa mort, on a publié de lui les Derniers Poèmes en 1895. (Acad. fr., 1886).



PROLOGUE :

Le recueil compte 31 poèmes, dont certains avaient déjà été publiés dans le journal fouriériste (partisan de la doctrine socialo-économique de Charles Fourier) La Phalange. L'édition de 1874 contient 54 poèmes.

Dans la préface des Poèmes Antiques, l'auteur prône l'impersonnalité : "le thème personnel et ses variations trop répétées ont épuisé l'attention (...) Il y a dans l'aveu publique des angoisses du cœur et de ses voluptés non moins amères une vanité et une profanation gratuites"


RÉSUMÉ DE L'OEUVRE ;

Sept poèmes hindous ouvrent le recueil. Inspirés des religions de l'Inde, ils exaltent l'exotisme et des légendes étranges : certains sont lyriques (Sûryâ est un hymne au soleil), d'autres épiques (l'Arc de Civa reprend la première partie de la célèbre légende du Ramayana), d'autres encore philosophiques (Bhagavat, sur la souffrance humaine). La majeure partie des Poèmes antiques est néanmoins consacrée à la Grèce : mythes héroïques (Hélène, Niobé), idylles antiques (Kybèle, Pan, Kléarista), et hymnes à la plastique grecque (fa Vénus de Milo). Le recueil s'achève sur une douzaine de poésies diverses dont les plus remarquables sont consacrées à la nature (Juin, Midi et Nox) sereine, harmonieuse et mystérieuse. Tous ces poèmes expriment un idéal humain d'un autre âge et le désarroi de la conscience moderne qui a perdu l'Age d'or.



COMMENTAIRE DE L'OEUVRE :

Nous avons ici affaire à une poésie érudite, dont l'une des ambitions, annoncée dès la préface, est de réconcilier l'art et la science : les progrés de l'arquéologie permettent d'évoquer avec certitude des civilisations perdues et de rendre compte de "tout ce qui constitue la raison d'être, de croire, de penser, d'agir, des races anciennes". On a ainsi devant les yeux des sortes de parfaits "poèmes-musées". Leconte de Lisle prône une poésie délibérément pittoresque et objective. Pour cela, il observe et restitue avec rigueur et précision les paysages, les gestes et les lignes. Il use du cadre étroit de l'alexandrin, à qui il veut rendre toute sa majesté, après les trop grandes libertés du romantisme. Il s'exprime par des périphrases classiques, mais aussi des qualificatifs grecs empruntés à la langue savante des images hindoues : ainsi arrive-t-il à créer son propre langage.


EXTRAITS DE L'OEUVRE :

Alkmène couche ses deux enfants. Héraclès et Iphiklès. demandant à la déesse Nuit de protéger leur sommeil

Les Dieux dormaient, rêvant l'odeur des sacrifices :
Mais, veillant seule, Héra, féconde en artifices,
Suscita deux dragons écaillés, deux serpents
Horribles, aux replis azurés et rampants,
Qui devaient étouffer, messagers de sa haine,
Dans son berceau guerrier l'Enfant de la Thébaïne.
Ils franchissent le seuil et son double pilier,
Et dardent leur œil glauque au fond du bouclier.
Iphiklès, en sursaut, à l'aspect des deux bêtes,
De la langue qui siffle et des dents toutes prêtes,
Tremble, et son jeune cœur se glace, et, pâlissant,
Dans sa terreur soudaine il jette un cri perçant,
Se débat, et veut fuir le danger qui le presse;
Mais Héraclès, debout, dans ses langes se dresse,
S'attache aux deux serpents, rive à leurs cous visqueux
Ses doigts divins, et fait, en jouant avec eux,
Leurs globes élargis sous l'étreinte subite
Jaillir comme une braise au delà de l'orbite.
Ils fouettent en vain l'air, musculeux et gonflés;
L'enfant sacré les tient, les secoue étranglés,
Et rit en les voyant, pleins de rage et de bave,
Se tordre tout autour du bouclier concave.
Puis il les jette morts le long des marbres blancs,
Et croise pour dormir ses petits bras sanglants.


Dans ce poème s'exprime la contemplation devant la nature, parfaite et mystérieuse

Midi, Roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d'argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L'air flamboie et brûle sans haleine;
La Terre est assoupie dans sa robe de feu.

L'étendue est immense et les champs n'ont point d'ombre,
Et la source est tarie où buvaient les troupeaux ;
La lointaine forêt, dont la lisière est sombre,
Dort là bas, immobile, en un pesant repos.

Seuls, les grands mûris, tels qu'une mer dorée,
Se déroulent au loin, dédaigneux du sommeil ;
Pacifiques enfants de la Terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du Soleil.

Parfois comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,
Une ondulation majestueuse et lente,
S'éveille, et va mourir à l'horizon poudreux.

Non loin, quelques boeufs blancs, couchés parmi les herbes,
bavent avec lenteur sur leurs fanons épais,
Et suivent des leurs yeux languissants et superbes
Le songe intérieur qu'ils n'achèvent jamais.

Publié dans litterature.rebelle

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